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La lenteur en massothérapie | Izaak Lavarenne, Masso-Kiné 

 

Izaak Lavarenne

In praise of s l o w n e s s

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Dans notre société actuelle, la vitesse est traitée comme une qualité des plus enviables. C’est pourquoi on réagit souvent de façon hostile quand confrontés à une lenteur marquée ou même volontaire.

Vous est-il déjà arrivé de vous faire traiter par un spécialiste de la santé (médecin, physiothérapeute, ostéopathe ou massothérapeute) et de vous demander si toute cette lenteur est nécessaire ou s’il ne faisait qu’étirer votre traitement pour combler le temps de traitement?

Eh bien, la réponse est qu’elle est belle et bien nécessaire et justifiable. Que ce soit pour contourner les réflexes d’étirements musculaires, pour son effet sur le système nerveux ou par spécificité des différentes techniques, la lenteur a plus d’une utilité, notamment en massothérapie.

Au niveau neuro-musculaire

Le système musculaire, bien conçu comme il l’est, est composé de plusieurs mécanismes de contraction; certains sont volontaires, d’autres sont involontaires.

Un de ces mécanismes est le réflexe d’étirement monosynaptique. Le muscle est composé de récepteurs situés dans le tendon ainsi qu’à la fibre neuromusculaire même, qui évaluent la force ainsi que l’élongation appliquée aux fibres musculaires.

Ces récepteurs sont impliqués dans le réflexe d’étirement en question en envoyant un signal à un neurone simple situé dans la moelle épinière qui, à son tour, commande une contraction de ce même muscle. Cette contraction vise à protéger le muscle d’une éventuelle déchirure des fibres musculaires suite à une élongation ou une mise en charge trop importante.

Bien qu’atteignant son but avec brio, ce système primitif est mal adapté à l’intervention thérapeutique d’un corps étranger comme en situation de massage thérapeutique. Le système de défense se trouve alors redondant vu que le corps se fait appliquer des forces contrôlées par un professionnel dont l’effet est purement bénéfique.

Durant tout traitement en massothérapie, votre thérapeute fera de son mieux pour éviter ces contractions, car elles contrent le travail réalisé et renversent parfois la progression atteinte avec l’intervention qui les précède.

Le meilleur moyen d’éviter ces réflexes d’étirement est d’effectuer les manœuvres à une vitesse lente. Aussi, plus les muscles visés sont profonds, plus la lenteur doit être extrême étant donné que ces muscles sont composés majoritairement de fibres de type A. Se contractant plus lentement et de façon plus endurante que les fibres de type B, les fibres de type A ont une vitesse de décontraction proportionnellement plus lente.

La lenteur sert donc à éviter les contractions réactives musculaires des muscles, et plus le muscle visé est profond, plus la lenteur doit être prononcée.

 

 

Sur le cerveau

Un élément souvent sous-estimé et mal compris du massage est que, bien que le massage vise une intervention musculaire ou même plus profonde, il passe nécessairement par la peau.

Il est facile d’oublier à quel point la peau est remplie de senseurs neuraux de toutes sortes qui ressentent la pression, la température, l’étirement de la peau ou même la vibration. Tous ces senseurs font de la peau une extension importante de notre système nerveux qui opère autour du cerveau. La peau agit donc comme médium qui permet à votre thérapeute de « masser votre cerveau ».

Le message qu’on décide ainsi d’envoyer au cerveau peut prendre plusieurs natures et la lenteur est un des paramètres les plus influents de celui-ci.

On sait que la massothérapie est un puissant relaxant, musculaire comme psychologique, de manière générale, mais certains massages d’activation musculaire qui doivent être réalisés à une vitesse effrénée ont l’effet contraire de réveiller le client. Souvent la différence entre ces protocoles n’est simplement que la vitesse d’exécution.

Un massage effectué lentement aidera le client à basculer dans un état nerveux parasympathique qui est associé à la récupération et la réparation de l’organisme. Cet état est un outil important pour votre thérapeute car il augmente votre tolérance à la douleur et diminue votre tonus musculaire général, lui permettant ainsi d’effectuer des techniques de façon plus musclée avant de rencontrer une réaction de votre corps (comme le réflexe d’étirement monosynaptique, par exemple).

Les effets que la lenteur d’un traitement a sur le système nerveux du client sont bien plus nombreux que ceux étayés plus haut, mais vous saurez maintenant qu’une basse vitesse d’exécution vous aide à tomber dans un état nerveux propice à l’intervention de votre thérapeute.

Techniques spécifiques

Un autre facteur qui peut porter votre thérapeute à vous masser lentement est la nature et le fonctionnement de la technique exécutée à un moment précis. Certaines techniques ne peuvent qu’être réalisées à un rythme plus lent, sans quoi l’action souhaitée ne peut s’effectuer.

Une famille de techniques qui entre dans cette catégorie est aussi un des meilleurs outils qu’un massothérapeute peut avoir contre l’inflammation : le drainage. Un drainage est défini comme étant une technique qui s’effectue à un rythme lent pour évacuer les liquides corporels (sang et lymphe principalement) et les toxines qu’ils peuvent contenir vers les émonctoires (ganglions).

Étant donné qu’on agit ici sur les différents vaisseaux capillaires sanguins et lymphatiques, nous devons nous plier aux règles de la physique des fluides.

Je suis loin de vouloir vous faire une classe magistrale en physique, mais en gros, un liquide dans un tuyau peut voyager à une vitesse maximale déterminée par le diamètre du tuyau. Les capillaires ayant un diamètre microscopique, la vitesse est elle aussi assez minime. En allant plus vite, on ne réussit pas à faire cheminer les fluides suffisamment loin.

D’autres techniques, elles, doivent être réalisées durant l’expiration pour diverses raisons, et ainsi, leur vitesse est dictée par le rythme respiratoire du client.

Une fois de plus, vous pouvez apprécier à quel point votre thérapeute prend plusieurs facteurs en compte auxquels vous ne penseriez pas nécessairement durant vos traitements.

Maximiser l’effet et le nombre des actions thérapeutiques dans le traitement, tout en évitant les réflexes d’étirement, en amadouant votre système nerveux, en respectant les protocoles des techniques et en suivant votre respiration est un combat que votre thérapeute livre contre la montre chaque jour.

Nous gagnons tous à voler une page du jeu des civilisations anciennes orientales et apprécier la lenteur de temps à autres. C’est peut-être une raison pourquoi ils étaient autant avant leur temps dans le domaine de la médecine douce.

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Izaak Lavarenne, Masso-Kinésithérapeute NDG

Izaak.lavarenne@cliniquealtermed.com

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